par Rémi Hab, Talent PMM chez Altays
Rémi, qu’est-ce que le SBO ?
C’est un sigle anglosaxon – ce qui fait tout de suite très sophistiqué – mais je vais vous donner notre vision et nous allons essayer de décrire le concept en termes simples, sous la forme tout d’abord de grands objectifs car pour nous c’est avant tout une clé de pilotage de l’organisation en tout cas a minima des ressources humaines de l’organisation. Elle peut s’ajouter à d’autre clés de pilotage mais pour nous elle doit permettre l’anticipation et surtout la rationalisation de tous les choix qui peuvent être faits dans l’entreprise. Et ensuite, elle se définit en termes de piliers par des choses assez simples que vous devez connaître : la cartographie des besoins en termes de compétences pour l’entreprise et puis la capacité à pouvoir évaluer et évidemment pouvoir déterminer des écarts entre les besoins et les ressources en compétences dont vous disposez et le troisième pilier le plus intéressant sera la gestion des écarts, les actions qu’on va mettre en place pour résorber les écarts constatés.

Quelles sont les principales différences entre une organisation classique et une organisation de type SBO ?
Comparer ces deux types d’organisation est un peu caricatural mais cela permet de se situer. Si l’on considère une organisation traditionnelle décrite principalement au travers d’emplois – on peut même avoir des niveaux de grades – il est facile de situer tout le monde mais cette organisation peut avoir des défauts parce que ce sont des chemins un peu trop tracés en terme d’évolutions d’emplois. On part de l’emploi A, on arrive à l’emploi B un schéma qui peut créer des restrictions dans la manière de penser l’évolution de l’organisation. Et sur l’autre versant nous avons un autre type d’organisation qui serait à un niveau de granularité un peu plus fin où on est capable sous l’emploi de dire quelles sont les compétences nécessaires mais surtout les compétences détenues par les collaborateurs.

Dans cette seconde organisation, on va favoriser la transversalité, la capacité à faire céder des barrières en terme d’évolution, de mobilité dans l’entreprise et donc la capacité à transformer l’entreprise. Cependant chez Altays on pense que la vérité n’est pas forcément derrière cette caricature de deux organisations totalement opposées, que cette orientation SBO est plutôt une démarche progressive jalonnée par différents stades de pilotage par les compétences et nous pensons que toutes les entreprises font plus ou moins du pilotage par les compétences car cela commence par une gestion informelle.

Donc nous serions tous « orientés SBO » ?
Dès lors qu’on met en place des formulaires d’entretiens on peut demander aux collaborateurs et aux managers de parler de compétences, d’échanger sur les besoins de développement sans être sur quelque chose d’industrialisé on met quand même déjà cette dynamique en place d’échanger sur les compétences. Ensuite, il y a le stade de la formalisation donc c’est le moment où on est capables de cartographier ce qui nous permet aussi de communiquer sur ce qu’on attend – on pense par exemple aux fiches métiers quand on présente aux collaborateurs ce qu’ils peuvent faire dans l’organisation, quel est le champ des possibles ? On le fait aussi quand on va créer une offre d’emploi que ce soit en interne ou en externe et qu’on on essaie de décrire les compétences qui sont nécessaires pour le poste. Et on va aller plus loin encore avec la phase où on exploite opérationnellement toutes ces informations notamment pour faire en sorte d’affecter les bonnes ressources aux bons endroits pour des missions ou pour des postes. A ce stade, on est capables de mobiliser tout ce qu’on a construit en amont pour vraiment gérer au quotidien les besoins. Par exemple des sociétés qui font de la gestion de projet ou du consulting ont besoin de savoir rapidement de quelles compétences elles disposent pour pouvoir les affecter sur le projet A sur le projet B etc. Et si on est bien outillés, si on est bien structurés tout cela va se mettre en place bien plus rapidement. Et ensuite j’évoquerai la transversalité qui est encore une autre dimension qui pourra arriver en même temps qu’une exploitation opérationnelle mais que j’ai tendance à considérer plutôt comme un niveau de maturité supplémentaire et qui serait pour résumer la capacité à exploiter cette donnée pour transformer l’entreprise, d’être capable de bouger un grand nombre de ressources pour accompagner les changements de l’entreprise avec tous ces outils qu’on a mis en place Si on change X personnes pour les passer sur telle activité on le fait parce qu’on connait les compétences des collaborateurs et les compétences dont on a besoin dans la nouvelle activité.
Pour idéaliser je dirais que le dernier niveau de toute cette évolution ce serait une gestion stratégique où, là on est presque capable de renverser la situation, notre connaissance des compétences dans l’organisation est capable d’influer même sur les orientations stratégiques en termes d’activité économique. Je vais prendre deux brefs exemples : j’ai lu récemment que Airbus avait constaté avoir beaucoup de compétences en cybersécurité et ils ont saisi l’opportunité pour créer une filiale dans ce domaine. Décathlon avait décelé des capacités parmi ses collaborateurs en matière de réparation, de maintenance qui leur ont permis de développer toute la filière location. C’est le niveau où on est capable d’anticiper ou d’influer sur la stratégie de l’entreprise. On ne parle plus de la stratégie RH on parle de la stratégie tout court de l’entreprise.
On voit donc qu’il y a un grand nombre de niveaux d’engagement dans cette orientation et je pense que tout le monde peut viser l’un d’entre eux et avancer doucement, pas à pas.

Pourquoi pas à pas ?
Parce que ce n’est pas si facile de mettre en place un pilotage par les compétences. La première chose c’est que les coûts sont élevés et le nombre de personnes à impliquer est important car il faut du monde pour recenser, mobiliser, consolider les compétences nécessaires et les compétences disponibles. Par ailleurs il faut des outils pour ça et les deux sont un peu corrélés parce que si on a des outils on peut essayer de faire baisser le coût en ressources humaines du recensement des données. Je dirais aussi qu’il faut prendre en compte que le fait d’évaluer les compétences n’est pas un acte facile. Il faut former les managers à le faire, il faut aussi avoir un référentiel assez précis et idéalement être capable de décrire ce qu’on attend sur chaque niveau, par rapport à chaque compétence. Donc il y a tous ces freins qui font que tout le monde aujourd’hui ne fait pas de pilotage par les compétences.
Vous identifiez un dernier frein que vous nommez « résistance culturelle », que voulez-vous dire exactement ?
Oui, il y en a un dernier qu’on a appelé la résistance culturelle je ne dirais pas que c’est un frein pour mettre en place le pilotage de la compétence, c’est surtout un frein pour en bénéficier pleinement. Il y a des barrières qu’on peut s’imposer en terme de mobilité par exemple. On peut avoir tous les outils du monde mais ne pas arriver à imaginer que telle personne sur tel poste puisse aller sur un poste totalement différent sur une filière d’activité totalement différente alors que c’est possible. Moi par exemple j’ai commencé ma carrière chez Axxa France dans les ressources humaines et j’ai participé à faire en sorte que des chefs de projet informatiques deviennent des souscripteurs en assurance. Il y a des choses possibles si on arrive à lever ces barrières. Rationnaliser avec ce degré d’analyse qu’est la compétence, ça permet de le faire.
Quels sont les bénéfices a attendre concrètement du pilotage par les compétences ?

Le premier je l’ai cité c’est plus de rationalité dans les décisions RH et puis une meilleure visibilité sur l’état des ressources. Je reviens sur la rationalité et je rebondis sur un sujet qui est dans l’actualité actuellement « la directive sur la transparence des salaires ». Je pense qu’il y a un enjeu derrière cette future modification de la loi d’être responsable de l’objectivation de la valeur du travail. Le législateur ne va pas définir à la place des gestionnaires RH quelle est la valeur du travail entre deux postes, comment les comparer mais il va falloir plutôt mettre en place des dispositifs pour la justifier a posteriori. Le pilotage par les compétences fera partie des outils qui permettront d’expliquer la valeur travail et de justifier les décisions. Donc il y a un bénéfice de plus à attendre, c’est la conformité juridique. La mise en place agira par vagues : une fois que vous avez les piliers c’est-à-dire la meilleure visibilité, la meilleure rationalité vous pouvez espérer avoir une meilleure anticipation des besoins en ressources ainsi que plus d’équité et de transparence, des plans de développement plus pertinents, plus précis et une vraie dynamique de mobilité. En cascade tout ça va aider à avoir une meilleure rétention et attractivité des talents. Les compétences seront alignées avec la stratégie avec une affectation efficiente des ressources et tout cet ensemble doit nous conduire à une meilleure performance et à une meilleure compétitivité économique. A contrario si on ne le fait pas il y a quand même un risque de se retrouver avec une obsolescence en terme de compétences et aussi des problèmes.